« La reconnaissance au travail dans l’entreprise »
« Le lien n’est pas le contraire du sujet autonome, il le constitue » Jean-Claude Guillebaud
I La reconnaissance et le travail fantomatique
La « troisième révolution industrielle », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jérémy Rifkin, désigne des mutations importantes dans les domaines de l’information, de la communication, des nouvelles technologies. Sur fond de chômage de masse, elle bouscule depuis une trentaine d’années les repères symboliques et visibles du monde du travail.
Pour s’en convaincre, il suffit de constater le déclin du prestige de certaines professions autrefois reconnus (enseignants, militaires, médecins, agriculteurs, cadres …) ou encore les différences entre le niveau de formation et les emplois proposés. À cela s’ajoute les contraintes économiques qui freinent, voire interrompent les évolutions de carrière et les parcours professionnels.
Si les transformations de l’organisation au sein des entreprises qui découlent de ce nouveau paradigme peuvent favoriser l’autonomie et l’initiative, elles ont parfois, à l’inverse, pour effet de favoriser l’individualisation des taches et des missions et de rendre fantomatique une partie du travail effectué par les personnes.
Comment dès lors reconnaitre la qualité d’un travail ou d’un service, son utilité et son sens si les gestes et les actions des personnes deviennent peu à peu invisibles et par conséquent dévalorisées ?
Dans ce contexte, les enjeux de la question de la reconnaissance sont importants, en particulier au travail. Situé au carrefour de l’individu (la personne) et du collectif (le groupe), la reconnaissance engage des champs multiples, tant dans les domaines de la philosophie et des sciences politiques que dans ceux de la psychologie et de la sociologie des organisations.
II Les trois grands principes de la reconnaissance
Apparu dans les années 1990, deux textes fondateurs ont fait émerger un véritable courant de réflexion : Théories de la reconnaissance et La lutte pour la reconnaissance du philosophe et sociologue allemand Axel Honneth.
Celui-ci distingue trois grands principes ou famille de reconnaissances :
- Le principe de l’amour (amitié, amoureux, famille). C’est l’expérience de l’amour qui doit permettre d’accéder et de développer la confiance en soi. Cette approche rejoint les théories psychologiques de l’attachement.
- Le principe de solidarité dans la sphère de la collectivité. C’est le sentiment de pouvoir se sentir utile à la collectivité ou communauté qui doit permettre d’apporter sa contribution.
- Le principe de l’égalité. C’est l’établissement d’une sphère de relations juridiques et d’un état d’égalité des droits qui doit permettre à chacun de se sentir considéré et respecté.
Le travail en entreprise doit donc recouvrir ses trois principes et les avoir clairement identifiés et distingués. Car, force est de constater que les différents modes contemporains de management et d’organisation peuvent parfois les dénier partiellement ou totalement.
III Thématiques ressources humaines et managériale
Sur le plan de la RH ou managérial, la thématique de la reconnaissance recouvre donc plusieurs aspects tels que :
- Les modes de gouvernance,
- L’organisation et les conditions de travail,
- Les risques et les troubles psycho-sociaux,
- La transmission et l’acquisition des compétences et/ou des savoirs,
- Les valeurs et les convictions professionnelles,
- La mémoire, la transmission et la culture des entreprises portées par les individus,
- La relation à soi et aux autres,
- La communication,
- L’identité et la réputation professionnelle.
IV Les enjeux de la reconnaissance dans le travail et l’entreprise
Les enjeux de la reconnaissance peuvent être questionnés de la manière suivante :
En tant que professionnel/personne/entreprise :
- Qui suis-je et qui sommes nous ?
- Où vais-je et où allons-nous ?
- Que puis-je donner et que pouvons-nous donner ?
- Que puis-je recevoir et que pouvons-nous recevoir ?
Dans le quotidien, la reconnaissance permet d’ouvrir un espace de gratitude et d’échanges, préalables indispensable à l’exploration et à la découverte. C’est créer et faire lien afin de trouver sa place individuelle et au sein du groupe. C’est également être responsable de son action tant dans sa relation à soi que dans sa relation à l’autre et ainsi faire reconnaitre sa singularité, son altérité, son propre jugement.
Sur le long terme, la reconnaissance permet de forger une identité individuelle et collective, de se souvenir et de contribuer à la mémoire et à la transmission de valeurs, de compétences, de convictions. La reconnaissance donne ainsi de la valeur et du crédit à une entreprise, à une personne, ainsi qu’à leurs actions.
La reconnaissance n’est-elle pas, en somme, le premier pas de toutes formes de liens et de connaissances intellectuelles, émotionnelles, spirituelles et manuelles ?
Autant de savoirs critiques et de liens singuliers entre les individus nécessaires pour une entreprise et son développement ainsi que pour la personne et son évolution professionnelle.
Marc Bouchet
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