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« Et revoilà le bilan de compétences » par Marianne Rey (article paru dans l’Express entreprise du 31 janvier 2017)
Malgré la naissance du conseil en évolution professionnelle, salariés et demandeurs d’emplois peuvent toujours réaliser un bilan de compétences. Y compris, depuis le 1er janvier, dans le cadre du compte personnel de formation (CPF).
C’était mal parti, pour le bilan de compétences. Mais depuis le 1er janvier 2017, le voilà de nouveau éligible au compte personnel de formation (CPF). Les professionnels du secteur affirment par ailleurs que son « concurrent » sur le papier, le nouveau conseil en orientation professionnelle (CEP), ne lui porte pas atteinte en pratique, les deux dispositifs étant complémentaires.
Le bilan de compétences, qui sert à faire le point sur sa vie professionnelle, ses aspirations et à dessiner éventuellement les contours d’un nouveau projet, pouvait, avant que naisse le CPF, être financé par son prédécesseur le droit individuel à la formation (DIF). Beaucoup de personnes passaient par là. D’où les inquiétudes, au moment du passage au CPF, au 1er janvier 2015, quand le bilan a été « oublié » parmi les « formations » éligibles. « L’ouverture au CPF ce 1er janvier est d’autant plus une bonne nouvelle que le salarié n’a plus besoin de l’autorisation de l’employeur dès lors qu’il exécute son bilan en dehors du temps de travail », signale Emeric Lemorton, directeur du cabinet de conseil en transition professionnelle Orient’Action. Du temps du DIF, celle-ci était toujours requise.
CPF ou congé bilan, tout dépend de son profil
Attention, toutefois. Si mobiliser son CPF peut paraître la solution de facilité, cela n’est pas forcément ce qu’il y a de plus pertinent… quand on peut faire autrement. « C’est griller inutilement ses cartouches, pointe Schany Taix, délégué général de la Fédération nationale des CIBC (centres de bilans de compétences). Mieux vaut passer en priorité par une demande de congé bilan dans un Opacif comme le Fongecif, l’Afdas… » .
Ces derniers ont des critères d’acceptation prioritaire des dossiers qui ne varient guère au cours du temps. Au Fongecif Ile-de-France, par exemple, le fait d’avoir plus de 45 ans ou 20 ans d’expérience professionnelle. « Notre enveloppe a très peu varié ces dernières années, assure par ailleurs Nicolas Rivier, responsable du pôle projet à Paris.
Et notre taux d’acceptation des dossiers est en moyenne de huit dossiers sur dix. » Evidemment, en amont, l’organisme communique sur ses priorités de financement, ce qui dissuade les publics trop éloignés de ces critères d’effectuer une demande.
Nicolas Rivier garantie également que le Fongecif (opérateur CEP, à côté de sa mission de financement) ne pousse pas le public à privilégier le CEP plutôt que le bilan de compétences. « Nous suggérons seulement de faire un point avec un conseiller en évolution professionnelle pour voir si mobiliser un bilan serait opportun, explique-t-il.
C’est important de voir si c’est vraiment le bon moment pour la personne, car ce n’est pas quelque chose que l’on a vocation à faire plusieurs fois dans sa carrière. Il faut donc vraiment être sûr de ses besoins avant d’envoyer sa demande et que celle-ci soit acceptée. »
Le CEP n’a pas « remplacé » le bilan de compétences
Contrairement à ce que certains responsables formation en entreprise font parfois passer comme message en interne aux salariés, le CEP n’a en tout cas pas « remplacé » le bilan de compétences et ne constitue pas non plus un passage obligé avant ce dernier. Tous les parcours sont admis: opter directement pour un bilan de compétences, commencer par un CEP, ou encore suivre uniquement, une fois son bilan terminé, la phase 3 d’un CEP, celle qui consiste à être accompagné dans le développement opérationnel de son projet, pour choisir une formation adéquate, par exemple…
« Au départ, il y a eu des questionnements sur l’articulation entre bilan et CEP, explique Schany Taix.
Finalement, en pratique, cela fonctionne plutôt bien. Les deux dispositifs se différencient sur plusieurs plans. Dans un bilan de compétences, on a plus de temps pour reprendre confiance en soi, prendre conscience de son parcours et se réapproprier celui-ci.
Et la posture n’est pas la même: on avance par soi-même, au lieu que ce soit un tiers, en l’occurrence le conseiller en évolution professionnelle, qui nous donne son avis. On est dans quelque chose de plus profond. »
Bientôt des bilans modulaires?
Reste que la forme actuelle du bilan de compétences n’est pas totalement assurée pour l’avenir. Un rapport devrait sortir en mars, pour tirer les conclusions d’une expérimentation concernant des bilans « modulaires », se mettant en oeuvre quand des besoins sont exprimés en CEP.
Des formules plus courtes (10 h ou 14 h par exemple, au lieu des 24 h de la forme « classique ») et traitant de thématiques ciblées, par exemple « vérifier la faisabilité de son projet ». Voire des bilans aux contenus pédagogiques définis en concertation avec le conseiller en évolution professionnelle, le bénéficiaire et le centre de bilan.
Ces formats raccourcis laissent sceptiques Emeric Lemorton. « Le bilan de compétences traditionnel correspond vraiment aux attentes des salariés, est-il persuadé. C’est entre six et huit rendez-vous pour définir un projet qui peut changer votre vie sur les vingt ou trente prochaines années, et dans lequel entrent en jeu les équilibres familiaux… Tout cela nécessite beaucoup de temps. »
Si le bilan modulaire devenait la règle, on perdrait forcément un peu de cette dimension.