« Emotions et intelligence émotionnelle » par Marc Bouchet

 

« Emotions et intelligence émotionnelle »

par Marc Bouchet 27/03/2016

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I Qu’est ce qu’une émotion ?

Sur un plan étymologique, le mot émotion est issu du verbe latin emovere qui signifie mouvoir. Pour Mathieu Ricard, le mot émotion recouvre tout sentiment qui se fait mouvoir l’esprit (Ricard 2004, p.118).

Les psychiatres Christophe André et François Lelord dans leur livre « La force des émotions » s’inspirent d’une définition tirée du dictionnaire de la Furetière (1690) :

« Emotion : Mouvement extraordinaire qui agite le corps ou l’esprit, et qui en trouble le tempérament ou l’assiette. La fièvre commence  et finit par une petite émotion du pouls. Quand on fait quelques exercices violents, on sent de l’émotion dans tout le corps. Un amant sent de l’émotion à la vue de sa maîtresse, un lâche à la vue de son  ennemi » (André/Lelord 2003, p.14).

Cette très ancienne définition illustre l’idée que le cerveau et le corps sont en interaction constante. Le corps à travers un exercice physique envoie des « messages » au cerveau et le cerveau à travers l’« analyse » d’une vision envoie un message au corps. Soit en passant par le système nerveux, soit en libérant des substances chimiques (Damasio 2010, p. 128).

Le neurologue Damasio propose la définition suivante : « L’émotion résulte de la combinaison de processus mentaux, simples ou complexes, avec des réponses à ces processus, issues des représentations potentielles. Ces réponses s’effectuent principalement au niveau du corps proprement dit mais elles peuvent aussi s’effectuer au niveau du cerveau lui même » (Damasio 2010, p. 194).

Les émotions ont fait et font l’objet de nombreuses recherches et théories issues des sciences sociales, des sciences physiques, biologiques et philosophiques.

C’est la raison pour laquelle, nous pouvons proposer, sous forme de tableau, une synthèse des quatre grandes théories des émotions que Lelord et André évoquent dans leurs travaux.

II Les 4 grandes théories des émotions (Lelord/André, 2003 p. 23).

Courant théorique Devise Fondateur ou grand représentant Conseil de vie
Evolutionniste Nous sommes émus parce que c’est dans nos gènes. Charles Darwin Naturaliste (1809-1882) Soyons attentifs aux émotions : elles nous sont utiles
Physiologiste Nous sommes émus parce que notre corps est ému. William James Psychologue et philosophe (1842-1910) Contrôlons notre corps, nous contrôlerons nos émotions.
Cognitiviste Nous sommes émus parce que nous pensons. Epictète philosophe (55-135 après JC) Pensons différemment : nous contrôlerons nos émotions.
Culturaliste Nous sommes émus parce que c’est culturel. Margaret Mead Anthropologue  (1901-1978) Soyons attentifs au milieu avant d’exprimer ou d’interpréter une émotion.

Suite aux travaux de Darwin (1872), il est communément accepté qu’il existe des émotions fondamentales ou élémentaires qu’elles que soient notre culture et nos différences. Bien évidement, il existe des différences dans la manière de les percevoir et de les exprimer. Elles seraient au nombre de 6 : La joie, la surprise, la tristesse, la peur, le dégout, la colère.

Le psychologue américain Paul Ekman a augmenté, quant à lui, la liste à 16 émotions : amusement, mépris, contentement, embarras, excitation, culpabilité, fierté, satisfaction, plaisir sensoriel, honte. C’est dire si la découverte des émotions ne fait que commencer et est appelée à se poursuivre.

Cependant, une émotion fondamentale ou élémentaire comprendrait plusieurs critères (Lelord/André 2003, p. 25), à savoir :

– Une émotion est une réaction à un événement ou à une pensée,

– Une émotion dure peu. Exemple : Si la tristesse se prolonge, nous pouvons parler d’humeur ou de sentiment,

– L’émotion doit pouvoir se distinguer. La colère et la peur peuvent être proches mais elles sont bien distinctes à la différence de la peur et l’anxiété,

– L’émotion agit sur le corps (rythme cardiaque, chaleur corporelle),

– L’émotion suscite une expression faciale commune et universelle,

– L’émotion est déclenchée par des situations universelles (naissance d’un enfant, mort d’un proche).

III L’intelligence émotionnelle

Comme  cela nous a été démontré par Damasio, le corps et le cerveau communique. Daniel Golemann  va même plus loin en se basant sur les recherches de neuroscientifiques et de physiologistes en affirmant que le cœur et le cerveau communiquent également. Il y a en effet, des liens qui sont d’ordre neurologiques, biochimiques, biophysiques et énergétiques.

Si l’intelligence est la capacité à faire des liens et à s’adapter, l’approche d’un seul type d’intelligence (QI) a fait long feu depuis les travaux de Howard Gardner. Nous pouvons aussi citer Albert Jacquard (chercheur généticien) pour qui « une personne est intelligente lorsqu’elle comprend qu’elle n’a pas compris».

Howard Gardner est un psychologue et éducateur de Harvard qui a identifié sept catégories d’intelligence reliées à sept parties de notre cerveau. Si nous utilisons ces différentes intelligences, il y en a une qui dominerait les autres et qui nous permettrait ainsi d’apprendre et de développer nos connaissances.

Il s’agit de :

L’intelligence linguistique : Capacité de faire des liens avec les mots,

–  L’intelligence logico-mathématique : Capacité de penser de façon abstraite et logique,

L’intelligence spatiale : Capacité de visualiser,

– L’intelligence musicale : Capacité de sentir et de saisir le rythme et les sons,

– L’intelligence corporelle-kinesthésique : Capacité à coordonner et à synchroniser des mouvements du corps et de la pensée (intention/réaction),

– L’intelligence interpersonnelle : Capacité d’interaction et relationnel avec les personnes,

– L’intelligence intrapersonnelle : Capacité à travailler ou à effectuer une activité seul.

Pour notre part, nous pouvons distinguer trois grandes catégories d’intelligences dans lesquelles nous pourrions envisager d’intégrer celles de Gardner : l’intelligence intellectuelle, l’intelligence relationnelle et l’intelligence émotionnelle.

Cependant, revenons à notre propos et au concept d’intelligence émotionnelle. Dans les années 90, Peter Salovey et John Meyer, deux universitaires américains, spécialistes en psychologie, ont été les premiers à conceptualiser la notion d’intelligence émotionnelle.

Au carrefour  des cognitions et des émotions, l’IE est « la capacité à percevoir l’émotion, à l’intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre les émotions et à les maîtriser afin de favoriser l’épanouissement personnel » (Salovey et Meyer, 1997, p.12). Selon eux, les individus varient dans leur aptitude à traiter une information de nature émotionnelle (qu’il s’agisse d’une insulte ou d’un compliment amoureux).

Ces émotions influencent le comportement, tant d’un point de vue physique que psychologique. Selon Salovey et Meyer, l’intelligence émotionnelle est une forme d’intelligence qui repose sur la capacité de l’individu à la compréhension et à la maitrise de ses émotions.

IV L’intelligence émotionnelle, une compétence et des ressources

Il est essentiel de souligner que l’intelligence émotionnelle peut être développée et améliorée de manière continue. Que ce soit en formation, en thérapie ou tout simplement dans les relations de sa vie de tous les jours. En effet, selon Daniel Golemann, qui a popularisé le terme, les compétences émotionnelles ne sont pas des talents innés, mais des compétences apprises. Le modèle proposé par Goleman en 1995 se décline autour de 25 compétences qui s’articulent autour de 5 facteurs principaux : (1) la conscience de soi, (2) l’autorégulation ou la maîtrise de soi, (3) la motivation, (4) l’empathie, et (5) les aptitudes sociales.

Aujourd’hui, suite à son association avec des membres du groupe Hay, Goleman définit l’IE comme la « manifestation concrète de certaines compétences (conscience de soi, gestion de soi, conscience sociale et compétences sociales) en temps voulu, de manière adéquate et proportionnée afin d’être efficace dans une situation donnée» (Boyatzis/Goleman/Rhee 2000, p. 344, cité in Herrbach/Mignonac/Sire, p. 1453)

En guise de conclusion de cet article, nous considérons le rôle des émotions nécessaire en vue de signaler et d’indiquer  les changements – que ceux-ci soient réels ou imaginaires dans les relations entre un individu et son environnement. Ceci afin de lui fournir une réponse efficace et de lui permettre une meilleure adaptation tant personnelle que professionnelle.


Notes Bibliographie

         Ouvrages

 

André/Lelord 2003 – C. André, F. Lelord, La force des émotions. Paris : Odile Jacob, 2003.

Angel/Amar 2005 – P. Angel, P. Amar, Le coaching. Paris : Presses Universitaires de France, 2005.

Ben-Shahar 2011 – T. Ben-Shahar, L’apprentissage de l’imperfection [2010]. Paris : Pocket évolution, 2011.

Boyatzis/Goleman/Rhee 2000 – R.E. Boyatzis, D. Goleman, K. Rhee, « Clustering competence in emotional intelligence: Insights from the Emotional Competence Inventory (ECI)s. In R. Bar-On and J.D.A. Parker (eds.), Handbook of emotional intelligence. San Francisco: Jossey-Bass, pp. 343-362.

Damasio 2001 – A. Damasio, L’erreur de Descartes : la raison des émotions [1994]. Paris : Odile Jacob, 2001.

Goleman 1999 – D. Goleman, L’intelligence émotionnelle T. 2 : Cultiver ses émotions pour s’épanouir dans son travail. Paris : Robert Laffont, 1999.

 Herrbach/Mignonac/Sire 2006 – O. Herrbach, K. Mignonac et B. Sire, « L’intelligence émotionnelle : quelle innovation pour les ressources humaines ?  » in Actes du congrès annuel de l’AGRH, Reims, 2006 [en ligne : http://www.reims-ms.fr/agrh/03-publications/01-actes-congres.html], p. 1451-1468.

 Ricard 2004 – M. Ricard, Plaidoyer pour le bonheur. Paris : Pocket évolution, 2004.

 

            Sites Ressources

 

AFFPP  – Site de l’Association française et Francophone de Psychologie Positive [En ligne : http://www.psychologie-positive.com/].

CNRTL – Centre national de Ressources Textuelles et lexicales, dir. Par J. M. Pierrel, Nancy : CNRS/ATILF [en ligne : http://www.cnrtl.fr/portail/].

Robert 1996 – Le Robert quotidien : Dictionnaire pratique de la langue française, dir. Par J. Rey-Debove, 1996.

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