« Le travail en reconnaissance de sens »

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« Le travail en reconnaissance de sens »

par Marc Bouchet

 

I Le travail en reconnaissance :

La reconnaissance au travail est devenue un enjeu primordial des revendications qu’elles soient d’ordre individuelles ou collectives.

Historiquement, la reconnaissance s’inscrit dans un courant plus général qui concerne la prise en compte des minorités et des victimes. Elle peut se traduire par des composants d’ordre statutaires, matériels ou symboliques. L’égalité salariale entre homme et femme en est une parfaite illustration.

En ce sens, les principes d’égalité, d’équité et de reconnaissance dans le travail sont des facteurs qui ont une influence non seulement sur la motivation et l’implication des personnes, mais sur le fonctionnement des équipes au sein d’une entreprise.

Cependant, et avant d’aller plus loin dans notre propos, il est nécessaire de distinguer trois raisons fondamentales qui déterminent, selon nous, la qualité et la motivation des personnes au travail.

En premier lieu, nous travaillons pour « gagner notre vie » (raison utilitariste). C’est-à-dire pour se nourrir, se loger, se vêtir et répondre aux besoins premiers de ses proches (famille/enfants). En deuxième lieu pour « exister » et se sentir utile socialement. En troisième lieu afin de se réaliser par un travail (fonctions, missions, tâches) qui nous enrichit et nous stimule sur un plan intellectuel et mental. Ces deux derniers points s’appliquent également au bénévolat et ne sont donc pas propres au salariat.

II La motivation intrinsèque et extrinsèque

Par conséquent, la motivation de la personne pour un travail rémunéré ou rétribué est issue de plusieurs paradigmes. Les chercheurs en psychologie et sciences sociales Edward Deci et Richard Ryan différencient deux types de motivations liées au travail : à savoir, la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque.

La motivation intrinsèque se définit par « ce que l’on fait de son propre chef, pour le plaisir et l’activité en elle-même ». La motivation extrinsèque se définit par « ce que l’on fait pour obtenir une récompense indirecte : un salaire, un diplôme, une reconnaissance de ses pairs …) ».

Il est important de noter que ces deux types de motivation de la personne ne vont pas sans l’autre. Ils se nourrissent et se complètent. Si l’un vient à manquer, l’ « amotivation » ou la démotivation finit par apparaitre inéluctablement avec son lot de conséquences néfastes (absence répétée, présentéisme, manque d’initiatives…) tant pour la personne que pour l’entreprise.

III La fabrication du sens dans le travail

A cela s’ajoute le but et le sens du travail effectué. Karl E. Weick , psychosociologue, a traité de cette question en élaborant la théorie du « sensemaking ». Selon lui, toute organisation humaine doit nécessairement « fabriquer du sens » pour que la personne puisse s’impliquer et être efficiente dans son travail.

Le sensemaking  s’articule autour de trois axes :

  • la culture
  • la stratégie
  • la structure

La culture, comprend les valeurs communes, gages de repères positifs que chaque salariés, collaborateurs et prestataires peuvent partager.

La stratégie, définit de manière claire et lisible les orientations et les directions pour l’action de chacun.

La structure, quant à elle, définit et codifie les processus, les règles, les rôles, les fonctions et la place de chacun au sein d’une équipe.

Il est important de rappeler que l’engagement de tout un chacun dans le travail est fortement conditionné et déterminé par le sens des projets et des actions menées, ainsi que leur adéquation avec le discours et les valeurs affichés. Pour prendre un exemple fictif et caricatural, une usine d’armement qui prônerait des valeurs de paix et d’amour dans sa politique commerciale et de développement engendrerait des contradictions et une confusion de sens insoluble pour ses équipes.

Par ailleurs, si l’entreprise est un lieu de travail, c’est aussi un lieu de vie qui comporte des enjeux d’ordre personnel qui repose sur les valeurs, les convictions et les croyances de l’individu !

IV La reconnaissance … au travail !

Par conséquent, reconnaitre un travail, c’est reconnaitre ce qui anime et influe positivement ou négativement sur l’individu, de manière rationnelle tout comme irrationnelle, dimensions propres à toute organisation humaine. C’est surtout identifier sa diversité et son inscription dans la communauté. Il n’y a pas qu’un travail au sens générique du terme, il y a des « travails », littéralement au singulier pluriel ! Tout comme les individus dont les différences rassemblent et éloignent à la fois, le travail reste multiple, dès lors qu’il rassemble (ou éloigne) ce qui est prescrit (ordonné) et ce qui est réel (exécuté/réalisé).

Le travail réel et prescrit est un concept fondateur dans les « travaux » de Christophe Dejours, médecin psychiatre et clinicien spécialiste de la souffrance au travail. Le travail prescrit correspond aux objectifs de l’entreprise et définit l’organisation du travail ainsi que ses procédures et ses règles.

La notion de travail réel  permet de mesurer l’écart, la différence entre la prescription (ordonne) d’ordre théorique et la réalité qui est de l’ordre pratique et de l’exécution. Plus l’écart est grand entre la prescription et la réalité, plus la difficulté, voire la souffrance, est grande pour celui qui exécute. A l’inverse, plus l’écart est petit, plus la satisfaction et l’efficacité ressortent.

Si ce décalage est inhérent au travail, il convient toutefois de l’évaluer avec l’autre et non contre l’autre. Cela permet de partager une réflexion commune sur l’écart entre le réel à la pensée, ce qui n’est pas la moindre spécificité de l’être humain.

Et si l’on en ajoute d’autres telles que la nécessité d’imaginer, d’expérimenter et de créer, ainsi que leur dimension personnelle, voire intime, il apparaît nécessaire de les prendre en compte. Les dénier, c’est faire preuve d’une indifférence coupable et brutale. Les instrumentaliser au profit d’un seul, c’est faire preuve de cynisme voire de cruauté. Les reconnaitre, c’est accompagner l’autre et apprendre de lui tout comme il peut apprendre de soi.

Si la rétribution financière et salariale est une forme de reconnaissance fondamentale et souvent exprimée par les équipes et les personnes, il importe donc de développer dans les organisations de travail et de management les trois concepts suivants prônés par l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) :

  • Confiance
  • Respect
  • Estime

En effet, la confiance, le respect et l’estime entre collègues ou entre employés et dirigeants sont la base de la reconnaissance au travail.

Faire confiance à la personne, c’est lui donner une responsabilité́ et lui reconnaitre la qualité de ses intentions ainsi qu’un pouvoir d’agir et de décider par lui-même.

Faire preuve de respect, c’est prendre en considération la dignité de chaque personne. C’est, bien évidemment, lui fournir un environnement de travail qui prend en compte la rémunération ou la rétribution, l’hygiène, les équipements, la sécurité́ et des droits équitables.

Faire preuve d’estime, c’est voir la personne dans son travail comme étant douée d’intelligence et d’autonomie.

Comme nous pouvons le constater, les chemins de la reconnaissance sont multiples et variés et peuvent aboutir à différentes solutions. Cependant pour paraphraser Confucius, l’important n’est pas de connaitre les réponses, l’important c’est d’abord de comprendre les questions qui nous sont posées par chaque situation et relation donnée.

Alors ? Qui est prêt à emprunter ce chemin où il s’agit de partir en reconnaissance et d’y forger son propre sens ?

Marc Bouchet / Consultant en coaching d’équipe et en organisation et développement des compétences

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