Le milieu culturel, propice aux épuisements professionnels ?

 

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Le milieu culturel, propice aux épuisements professionnels ?

Un reportage de Laurence Gallant

Publié le dimanche 30 juillet 2017

 

 

Des travailleurs culturels au Bas-Saint-Laurent se disent essoufflés par la précarité de leur milieu.

La directrice générale et cofondatrice du Camp musical du lac Matapédia, Julie Quimper, quitte ses fonctions pour cause d’épuisement professionnel.

Après 20 ans à porter l’organisme à bout de bras, elle estime que les efforts pour pallier le manque de financement et l’absence d’indexation des subventions ont eu raison de sa santé.

 

Depuis quelques années, Julie Quimper prépare la relève du seul poste permanent du camp musical du lac Matapédia, tout en sachant que la séparation sera difficile.

Julie Quimper quitte à contre-cœur le camp musical qu’elle a fondé Photo : Radio-Canada

Elle a attendu longtemps que la conjoncture financière soit plus facile pour passer le flambeau, mais ce moment n’est jamais venu. Le dévouement acharné de la directrice est devenu de plus en plus nécessaire, mais aussi de plus en plus nocif.

Je suis devenue très anxieuse, le printemps tout le monde est heureux, mais moi, au printemps, c’est le retour du nœud dans l’estomac, parce que l’été s’en vient. C’est le retour des insomnies…

Le camp musical du lac Matapédia a gagné en popularité et en réputation au fil des ans, mais fonctionne avec les mêmes ressources qu’à ses débuts. Les employés et les bénévoles sont ainsi forcés de mettre les bouchées doubles et triples, indique la directrice sortante.

« C’est merveilleux ce qu’on fait, oui, le camp va bien.  Ce que je déplore souvent, c’est qu’on se valorise en disant qu’on fait des miracles », affirme Julie Quimper. « On fait pas des miracles, on fait sacrifices » ajoute t’elle.

 

Tabou, l’épuisement du milieu culturel ?

Ce type d’épuisement est connu, mais les organismes préfèrent se montrer sous un jour positif, pour ne pas nuire à leurs activités.

D’après la directrice générale du Conseil de la culture du Bas-Saint-Laurent, Julie Gauthier, les travailleurs culturels doivent souvent vivre avec un grand nombre d’heures impayées, l’absence de régime de retraite et d’assurances et des congés non remplacés.

On est dans les loisirs de 99 % de la population, donc des fois, on est peut-être moins pris au sérieux, quand on dit qu’on est fatigués. Les gens ont l’impression qu’on s’amuse toute la journée.

Julie Gauthier croit que le ministère de la Culture est bien aux faits de la réalité des travailleurs. Ce serait plutôt au Conseil du trésor d’augmenter son financement.

« C’est à la base de la fatigue des travailleurs culturels. Je pense par exemple aux artistes, c’est pas parce qu’un artiste reçoit 50 % d’un cachet, qu’il va donner 50 % moins un bon show. […] Les partenaires financiers voient qu’on est capable de faire des miracles avec peu, donc pourquoi nous en donner plus », explique-t-elle.

On va toujours donner notre 100 %, peu importe le financement qu’on a, et c’est un cercle vicieux. D’après la directrice générale du Conseil de la culture du Bas-Saint-Laurent, un dollar investi en culture génère six à huit dollars en retombées économiques.

En février, 46 organismes ont pris part à une Coalition nommée La culture, le cœur du Québec. Elle s’est formée pour revendiquer des améliorations en matière de ressources humaines dans le milieu culturel, en marge du renouvellement de la Politique culturelle, espéré l’hiver prochain.