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« Et revoilà le bilan de compétences  » L’express entreprise

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« Et revoilà le bilan de compétences  » par Marianne Rey (article paru dans l’Express entreprise du 31 janvier 2017)

Malgré la naissance du conseil en évolution professionnelle, salariés et demandeurs d’emplois peuvent toujours réaliser un bilan de compétences. Y compris, depuis le 1er janvier, dans le cadre du compte personnel de formation (CPF).

C’était mal parti, pour le bilan de compétences. Mais depuis le 1er janvier 2017, le voilà de nouveau éligible au compte personnel de formation (CPF). Les professionnels du secteur affirment par ailleurs que son « concurrent » sur le papier, le nouveau conseil en orientation professionnelle (CEP), ne lui porte pas atteinte en pratique, les deux dispositifs étant complémentaires.

Le bilan de compétences, qui sert à faire le point sur sa vie professionnelle, ses aspirations et à dessiner éventuellement les contours d’un nouveau projet, pouvait, avant que naisse le CPF, être financé par son prédécesseur le droit individuel à la formation (DIF). Beaucoup de personnes passaient par là. D’où les inquiétudes, au moment du passage au CPF, au 1er janvier 2015, quand le bilan a été « oublié » parmi les « formations » éligibles. « L’ouverture au CPF ce 1er janvier est d’autant plus une bonne nouvelle que le salarié n’a plus besoin de l’autorisation de l’employeur dès lors qu’il exécute son bilan en dehors du temps de travail », signale Emeric Lemorton, directeur du cabinet de conseil en transition professionnelle Orient’Action. Du temps du DIF, celle-ci était toujours requise.

CPF ou congé bilan, tout dépend de son profil

Attention, toutefois. Si mobiliser son CPF peut paraître la solution de facilité, cela n’est pas forcément ce qu’il y a de plus pertinent… quand on peut faire autrement. « C’est griller inutilement ses cartouches, pointe Schany Taix, délégué général de la Fédération nationale des CIBC (centres de bilans de compétences). Mieux vaut passer en priorité par une demande de congé bilan dans un Opacif comme le Fongecif, l’Afdas… » .

Ces derniers ont des critères d’acceptation prioritaire des dossiers qui ne varient guère au cours du temps. Au Fongecif Ile-de-France, par exemple, le fait d’avoir plus de 45 ans ou 20 ans d’expérience professionnelle. « Notre enveloppe a très peu varié ces dernières années, assure par ailleurs Nicolas Rivier, responsable du pôle projet à Paris.

Et notre taux d’acceptation des dossiers est en moyenne de huit dossiers sur dix. » Evidemment, en amont, l’organisme communique sur ses priorités de financement, ce qui dissuade les publics trop éloignés de ces critères d’effectuer une demande.

Nicolas Rivier garantie également que le Fongecif (opérateur CEP, à côté de sa mission de financement) ne pousse pas le public à privilégier le CEP plutôt que le bilan de compétences. « Nous suggérons seulement de faire un point avec un conseiller en évolution professionnelle pour voir si mobiliser un bilan serait opportun, explique-t-il.

C’est important de voir si c’est vraiment le bon moment pour la personne, car ce n’est pas quelque chose que l’on a vocation à faire plusieurs fois dans sa carrière. Il faut donc vraiment être sûr de ses besoins avant d’envoyer sa demande et que celle-ci soit acceptée. »

Le CEP n’a pas « remplacé » le bilan de compétences

Contrairement à ce que certains responsables formation en entreprise font parfois passer comme message en interne aux salariés, le CEP n’a en tout cas pas « remplacé » le bilan de compétences et ne constitue pas non plus un passage obligé avant ce dernier. Tous les parcours sont admis: opter directement pour un bilan de compétences, commencer par un CEP, ou encore suivre uniquement, une fois son bilan terminé, la phase 3 d’un CEP, celle qui consiste à être accompagné dans le développement opérationnel de son projet, pour choisir une formation adéquate, par exemple…

« Au départ, il y a eu des questionnements sur l’articulation entre bilan et CEP, explique Schany Taix.

Finalement, en pratique, cela fonctionne plutôt bien. Les deux dispositifs se différencient sur plusieurs plans. Dans un bilan de compétences, on a plus de temps pour reprendre confiance en soi, prendre conscience de son parcours et se réapproprier celui-ci.

Et la posture n’est pas la même: on avance par soi-même, au lieu que ce soit un tiers, en l’occurrence le conseiller en évolution professionnelle, qui nous donne son avis. On est dans quelque chose de plus profond. »

Bientôt des bilans modulaires?

Reste que la forme actuelle du bilan de compétences n’est pas totalement assurée pour l’avenir. Un rapport devrait sortir en mars, pour tirer les conclusions d’une expérimentation concernant des bilans « modulaires », se mettant en oeuvre quand des besoins sont exprimés en CEP.

Des formules plus courtes (10 h ou 14 h par exemple, au lieu des 24 h de la forme « classique ») et traitant de thématiques ciblées, par exemple « vérifier la faisabilité de son projet ». Voire des bilans aux contenus pédagogiques définis en concertation avec le conseiller en évolution professionnelle, le bénéficiaire et le centre de bilan.

Ces formats raccourcis laissent sceptiques Emeric Lemorton. « Le bilan de compétences traditionnel correspond vraiment aux attentes des salariés, est-il persuadé. C’est entre six et huit rendez-vous pour définir un projet qui peut changer votre vie sur les vingt ou trente prochaines années, et dans lequel entrent en jeu les équilibres familiaux… Tout cela nécessite beaucoup de temps. »

Si le bilan modulaire devenait la règle, on perdrait forcément un peu de cette dimension.

 

 

Le CEP au cœur de la stratégie de Pôle emploi

Publié le 14 octobre 2016 (AFPA)

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Le Conseil en évolution professionnelle (CEP) est un élément central de la stratégie de Pôle emploi depuis 2012, estime son directeur général Jean Bassères. Qui estime que l’opérateur public a ainsi anticipé de deux ans la création du dispositif.

L’ambition de Pôle emploi est de devenir un expert de l’accompagnement des transitions professionnelles. Et pour atteindre cet objectif, il mise sur le Conseil en évolution professionnelle (CEP) qu’il est chargé de déployer auprès des demandeurs d’emploi en sa qualité d’opérateur national du CEP[1]. « Un tiers des demandeurs d’emploi reprend aujourd’hui un emploi sur un métier différent de celui exercé avant sa période de chômage », a précisé Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, devant la presse, le 13 octobre 2016.

D’où l’importance pour ces derniers de pouvoir trouver rapidement auprès des conseillers de Pôle emploi les informations nécessaires pour comprendre le marché du travail, identifier leurs forces et leurs faiblesses et être outillés pour bâtir un projet professionnel. « Pôle emploi faisait du CEP sans le savoir avant même sa création [en 2013-2014, Ndlr] », assure Jean Bassères qui définit le CEP « non pas comme une prestation mais comme une ambition au cœur de la stratégie » de son organisme depuis 2012-2013.

Pour le directeur général de Pôle emploi, les différentes modalités d’accompagnement des chômeurs mises en place en fonction de leurs besoins à partir de 2013, puis l’internalisation de l’accompagnement renforcé (Activ’Emploi) sont autant de déclinaisons du CEP.

Sans oublier « les nouveaux services offerts grâce au déploiement du numérique, la spécialisation des conseillers, l’amélioration du traitement de l’indemnisation des chômeurs, le renforcement du diagnostic, le développement de l’accueil sur RDV, le repositionnement des 620 psychologues du travail et leur doublement d’ici 2019, la montée en compétences des conseillers (ils ont notamment été outillés sur le CEP) et des managers et le développement de l’approche par les compétences ».

Un prolongement de l’activité de Pôle emploi

Pour Jean Bassères, les trois niveaux du CEP (niveau1 : accueil individualisé, niveau 2 : conseil personnalisé, niveau 3 : accompagnement à la mise en œuvre du projet professionnel) tels qu’ils sont définis par le cahier des charges du CEP font entièrement partie de l’offre d’accompagnement proposée par Pôle emploi. C’est bien ce que le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop) avait reproché à l’opérateur (comme aux missions locales, à l’Apec et à Cap emploi) dans son premier rapport sur le CEP et le Compte personnel de formation publié en avril dernier[2].

D’après le Cnefop, si les Fongecif/Opacif avaient restructuré « en profondeur leur offre de services et souvent leur organisation » pour s’adapter au CEP, les « acteurs historiques du Service public de l’emploi » avaient « avant tout, considéré [ce dispositif] comme un prolongement de leur activité et (avaient) eu des difficultés à percevoir le saut qualitatif attendu ».

« Le CEP est un dispositif qui a été conçu par les partenaires sociaux pour les salariés, répond Jean Bassères à cette critique. Nous avons dû l’adapter au public des demandeurs d’emploi. » A priori une personne autonome dans sa recherche d’emploi ne se voit pas proposer un CEP sauf, si au cours de l’entretien avec son conseiller, elle émet le souhait de changer de métier.

Dans ce cas, elle repart dans le circuit des demandeurs d’emploi accompagnés et, à ce titre, peut avoir accès au CEP. C’est parce que le CEP figure au cœur de la stratégie de Pôle emploi que « dans chaque agence, les conseillers sont tous accompagnés » sur le déploiement de ce dispositif, insiste le directeur général.

Valérie Grasset-Morel

[1] Les quatre autres opérateurs historiques du CEP désignés par la loi du 5 mars 2014 sont les Fongecif/Opacif, l’Apec, Cap emploi et les missions locales.

[2] http://www.cnefop.gouv.fr/rapports-et-avis/rapports/cnefop-premier-rapport-sur-la-mise-en-oeuvre-du-compte-personnel-de.html

« Le travail en reconnaissance de sens »

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« Le travail en reconnaissance de sens »

par Marc Bouchet

 

I Le travail en reconnaissance :

La reconnaissance au travail est devenue un enjeu primordial des revendications qu’elles soient d’ordre individuelles ou collectives.

Historiquement, la reconnaissance s’inscrit dans un courant plus général qui concerne la prise en compte des minorités et des victimes. Elle peut se traduire par des composants d’ordre statutaires, matériels ou symboliques. L’égalité salariale entre homme et femme en est une parfaite illustration.

En ce sens, les principes d’égalité, d’équité et de reconnaissance dans le travail sont des facteurs qui ont une influence non seulement sur la motivation et l’implication des personnes, mais sur le fonctionnement des équipes au sein d’une entreprise.

Cependant, et avant d’aller plus loin dans notre propos, il est nécessaire de distinguer trois raisons fondamentales qui déterminent, selon nous, la qualité et la motivation des personnes au travail.

En premier lieu, nous travaillons pour « gagner notre vie » (raison utilitariste). C’est-à-dire pour se nourrir, se loger, se vêtir et répondre aux besoins premiers de ses proches (famille/enfants). En deuxième lieu pour « exister » et se sentir utile socialement. En troisième lieu afin de se réaliser par un travail (fonctions, missions, tâches) qui nous enrichit et nous stimule sur un plan intellectuel et mental. Ces deux derniers points s’appliquent également au bénévolat et ne sont donc pas propres au salariat.

II La motivation intrinsèque et extrinsèque

Par conséquent, la motivation de la personne pour un travail rémunéré ou rétribué est issue de plusieurs paradigmes. Les chercheurs en psychologie et sciences sociales Edward Deci et Richard Ryan différencient deux types de motivations liées au travail : à savoir, la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque.

La motivation intrinsèque se définit par « ce que l’on fait de son propre chef, pour le plaisir et l’activité en elle-même ». La motivation extrinsèque se définit par « ce que l’on fait pour obtenir une récompense indirecte : un salaire, un diplôme, une reconnaissance de ses pairs …) ».

Il est important de noter que ces deux types de motivation de la personne ne vont pas sans l’autre. Ils se nourrissent et se complètent. Si l’un vient à manquer, l’ « amotivation » ou la démotivation finit par apparaitre inéluctablement avec son lot de conséquences néfastes (absence répétée, présentéisme, manque d’initiatives…) tant pour la personne que pour l’entreprise.

III La fabrication du sens dans le travail

A cela s’ajoute le but et le sens du travail effectué. Karl E. Weick , psychosociologue, a traité de cette question en élaborant la théorie du « sensemaking ». Selon lui, toute organisation humaine doit nécessairement « fabriquer du sens » pour que la personne puisse s’impliquer et être efficiente dans son travail.

Le sensemaking  s’articule autour de trois axes :

  • la culture
  • la stratégie
  • la structure

La culture, comprend les valeurs communes, gages de repères positifs que chaque salariés, collaborateurs et prestataires peuvent partager.

La stratégie, définit de manière claire et lisible les orientations et les directions pour l’action de chacun.

La structure, quant à elle, définit et codifie les processus, les règles, les rôles, les fonctions et la place de chacun au sein d’une équipe.

Il est important de rappeler que l’engagement de tout un chacun dans le travail est fortement conditionné et déterminé par le sens des projets et des actions menées, ainsi que leur adéquation avec le discours et les valeurs affichés. Pour prendre un exemple fictif et caricatural, une usine d’armement qui prônerait des valeurs de paix et d’amour dans sa politique commerciale et de développement engendrerait des contradictions et une confusion de sens insoluble pour ses équipes.

Par ailleurs, si l’entreprise est un lieu de travail, c’est aussi un lieu de vie qui comporte des enjeux d’ordre personnel qui repose sur les valeurs, les convictions et les croyances de l’individu !

IV La reconnaissance … au travail !

Par conséquent, reconnaitre un travail, c’est reconnaitre ce qui anime et influe positivement ou négativement sur l’individu, de manière rationnelle tout comme irrationnelle, dimensions propres à toute organisation humaine. C’est surtout identifier sa diversité et son inscription dans la communauté. Il n’y a pas qu’un travail au sens générique du terme, il y a des « travails », littéralement au singulier pluriel ! Tout comme les individus dont les différences rassemblent et éloignent à la fois, le travail reste multiple, dès lors qu’il rassemble (ou éloigne) ce qui est prescrit (ordonné) et ce qui est réel (exécuté/réalisé).

Le travail réel et prescrit est un concept fondateur dans les « travaux » de Christophe Dejours, médecin psychiatre et clinicien spécialiste de la souffrance au travail. Le travail prescrit correspond aux objectifs de l’entreprise et définit l’organisation du travail ainsi que ses procédures et ses règles.

La notion de travail réel  permet de mesurer l’écart, la différence entre la prescription (ordonne) d’ordre théorique et la réalité qui est de l’ordre pratique et de l’exécution. Plus l’écart est grand entre la prescription et la réalité, plus la difficulté, voire la souffrance, est grande pour celui qui exécute. A l’inverse, plus l’écart est petit, plus la satisfaction et l’efficacité ressortent.

Si ce décalage est inhérent au travail, il convient toutefois de l’évaluer avec l’autre et non contre l’autre. Cela permet de partager une réflexion commune sur l’écart entre le réel à la pensée, ce qui n’est pas la moindre spécificité de l’être humain.

Et si l’on en ajoute d’autres telles que la nécessité d’imaginer, d’expérimenter et de créer, ainsi que leur dimension personnelle, voire intime, il apparaît nécessaire de les prendre en compte. Les dénier, c’est faire preuve d’une indifférence coupable et brutale. Les instrumentaliser au profit d’un seul, c’est faire preuve de cynisme voire de cruauté. Les reconnaitre, c’est accompagner l’autre et apprendre de lui tout comme il peut apprendre de soi.

Si la rétribution financière et salariale est une forme de reconnaissance fondamentale et souvent exprimée par les équipes et les personnes, il importe donc de développer dans les organisations de travail et de management les trois concepts suivants prônés par l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) :

  • Confiance
  • Respect
  • Estime

En effet, la confiance, le respect et l’estime entre collègues ou entre employés et dirigeants sont la base de la reconnaissance au travail.

Faire confiance à la personne, c’est lui donner une responsabilité́ et lui reconnaitre la qualité de ses intentions ainsi qu’un pouvoir d’agir et de décider par lui-même.

Faire preuve de respect, c’est prendre en considération la dignité de chaque personne. C’est, bien évidemment, lui fournir un environnement de travail qui prend en compte la rémunération ou la rétribution, l’hygiène, les équipements, la sécurité́ et des droits équitables.

Faire preuve d’estime, c’est voir la personne dans son travail comme étant douée d’intelligence et d’autonomie.

Comme nous pouvons le constater, les chemins de la reconnaissance sont multiples et variés et peuvent aboutir à différentes solutions. Cependant pour paraphraser Confucius, l’important n’est pas de connaitre les réponses, l’important c’est d’abord de comprendre les questions qui nous sont posées par chaque situation et relation donnée.

Alors ? Qui est prêt à emprunter ce chemin où il s’agit de partir en reconnaissance et d’y forger son propre sens ?

Marc Bouchet / Consultant en coaching d’équipe et en organisation et développement des compétences

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« Réunifier la formation professionnelle autour de l’apprentissage »

Par Paul Santelmann, directeur de la veille « emploi & qualifications » à l’Afpa et publié le 8 juillet 2016

FormateurEtJeuneUne étude récente du CEREQ sur l’apprentissage (Bref n° 346 – mai 2016) confirme que les apprentis ont une insertion professionnelle « nettement plus favorable que les jeunes issus de la voie scolaire ». Ce constat se consolide année après année, assorti d’une autre observation qui tient dans le caractère de plus en plus sélectif de ce dispositif, conçu au départ pour accueillir les jeunes en échec scolaire !

Cette tendance résulte de l’incohérence qui consiste à conserver plusieurs voies professionnelles, entraînées dans la spirale mortifère de la concurrence et de l’allongement inconsidéré des études, lequel est présenté comme une démocratisation alors qu’il ne s’agit que de massification.

Dans les pays où la voie professionnelle s’est construite par l’apprentissage, impliquant un engagement plus ou moins structuré des entreprises, le pilotage du système éducatif et universitaire a intégré la réalité de la structure des emplois, en évitant un décalage trop important entre les objectifs professionnels de la formation initiale, et le contenu de ces emplois.

En France, 50 % des activités correspondent à des emplois d’ouvriers et d’employés et à des niveaux de diplômes de niveau CAP ou Bac professionnel. Or la plupart de ces emplois exigent d’avantage de compétences qu’il y a 30 ou 40 ans. Par ailleurs, une partie de ces emplois est exercée de façon transitoire (CDD, temps partiel, intérim) et suppose donc une capacité de rebond des jeunes qui les occupent. Tout cela justifie une formation professionnelle enrichie, moins spécialisée, porteuse d’une employabilité plus large… Et la poursuite d’études généralistes au sein des Universités n’est pas une réponse adaptée à ce problème.

Sauf que la France n’a pas les moyens d’entretenir plusieurs voies professionnelles dont certaines sont en accès ouvert, éloignées des entreprises et enfermées dans un rôle de relégation, et d’autres, au contraire, tentées par la sélection au nom de leurs liens avec les entreprises. La voie professionnelle scolaire est aujourd’hui dans un dilemme insurmontable face à l’apprentissage et aux contrats de professionnalisation qui attirent de plus en plus les jeunes les moins en difficulté d’insertion.

L’étude du CEREQ souligne notamment que les écarts d’insertion entre scolaires et apprentis renvoient, certes, à des différences dans les spécialités fines (aux débouchés différents), mais aussi aux caractéristiques sociales (origines socioculturelles variées) ou territoriales (quartiers plus ou moins défavorisés, tissus économiques plus ou moins favorables) des jeunes. Par ailleurs le faible poids des jeunes filles dans l’apprentissage témoigne d’un phénomène de discrimination qui avantage les spécialités industrielles fortement masculinisées. À l’inverse, les spécialités tertiaires féminines de l’enseignement professionnel scolaire, présentent des taux d’emploi plus faibles. Plus globalement, scolaires et apprentis sont confrontés à des discriminations liées à leurs origines ethniques… A contrario, les apprentis de licence professionnelle d’origine sociale favorisée ont un avantage sur les autres licenciés professionnels des cursus universitaires classiques.

Ces constats militent donc pour une refondation unitaire de la voie professionnelle autour de l’apprentissage qui intègre clairement l’objectif de lutte contre les discriminations sur la base de contrat d’objectifs territoriaux avec les branches et les entreprises.

En instrumentant l’appui aux jeunes des milieux défavorisés il est tout à fait possible de mobiliser des entreprises et des associations dans des cursus qualifiants par la voie d’un système d’apprentissage socialement ambitieux.

Paul Santelmann, directeur de la veille « emploi & qualifications » à l’Afpa

« La reconnaissance au travail dans l’entreprise » par Marc Bouchet

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« La reconnaissance au travail dans l’entreprise »

« Le lien n’est pas le contraire du sujet autonome, il le constitue » Jean-Claude Guillebaud

I  La reconnaissance et le travail fantomatique  

La « troisième révolution industrielle », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jérémy Rifkin, désigne des mutations importantes dans les domaines de l’information, de la communication, des nouvelles technologies. Sur fond de chômage de masse, elle bouscule depuis une trentaine d’années les repères symboliques et visibles du monde du travail.

Pour s’en convaincre, il suffit de constater le déclin du prestige de certaines professions  autrefois reconnus (enseignants, militaires, médecins, agriculteurs, cadres …) ou encore les différences entre le niveau de formation et les emplois proposés. À cela s’ajoute les contraintes économiques qui freinent, voire interrompent les évolutions de carrière et les parcours professionnels.

Si les transformations de l’organisation au sein des entreprises qui découlent de ce nouveau paradigme peuvent favoriser l’autonomie et l’initiative, elles ont parfois, à l’inverse, pour effet de favoriser l’individualisation des taches et des missions et de rendre fantomatique une partie du travail effectué par les personnes.

Comment dès lors reconnaitre la qualité d’un travail ou d’un service, son utilité et son sens si les gestes et les actions des personnes deviennent peu à peu invisibles et par conséquent dévalorisées ?

Dans ce contexte, les enjeux de la question de la reconnaissance sont importants, en particulier au travail. Situé au carrefour de l’individu (la personne) et du collectif (le groupe), la reconnaissance engage des champs multiples, tant dans les domaines de la philosophie et des sciences politiques que dans ceux de la psychologie et de la sociologie des organisations.

II Les trois grands principes de la reconnaissance

Apparu dans les années 1990, deux textes fondateurs ont fait émerger un véritable courant de réflexion : Théories de la reconnaissance et La lutte pour la reconnaissance du philosophe et sociologue allemand Axel Honneth.

Celui-ci distingue trois grands principes ou famille de reconnaissances :

  • Le principe de l’amour (amitié, amoureux, famille). C’est l’expérience de l’amour qui doit permettre d’accéder et de développer la confiance en soi. Cette approche rejoint les théories psychologiques de l’attachement.
  • Le principe de solidarité dans la sphère de la collectivité. C’est le sentiment de pouvoir se sentir utile à la collectivité ou communauté qui doit permettre d’apporter sa contribution.
  • Le principe de l’égalité. C’est l’établissement d’une sphère de relations juridiques et d’un état d’égalité des droits qui doit permettre à chacun de se sentir considéré et respecté.

Le travail en entreprise doit donc recouvrir ses trois principes et les avoir clairement identifiés et  distingués. Car, force est de constater que les différents modes contemporains de management et d’organisation peuvent parfois les dénier partiellement ou totalement.

III Thématiques ressources humaines et managériale

Sur le plan de la RH ou managérial, la thématique de la reconnaissance recouvre donc plusieurs aspects tels que :

  • Les modes de gouvernance,
  • L’organisation et les conditions de travail,
  • Les risques et les troubles psycho-sociaux,
  • La transmission et l’acquisition des compétences et/ou des savoirs,
  • Les valeurs et les convictions professionnelles,
  • La mémoire, la transmission et la culture des entreprises portées par les individus,
  • La relation à soi et aux autres,
  • La communication,
  • L’identité et la réputation professionnelle.

 

IV Les enjeux de la reconnaissance dans le travail et l’entreprise

Les enjeux de la reconnaissance  peuvent être questionnés de la manière suivante :

En tant que professionnel/personne/entreprise :

  • Qui suis-je et qui sommes nous ?
  • Où vais-je et où allons-nous ?
  • Que puis-je donner et que pouvons-nous donner ?
  • Que puis-je recevoir et que pouvons-nous recevoir ?

Dans le quotidien, la reconnaissance permet d’ouvrir un espace de gratitude et d’échanges, préalables indispensable à l’exploration et à la découverte. C’est créer et faire lien afin de trouver sa place individuelle et au sein du groupe. C’est également être responsable de son action tant dans sa relation à soi que dans sa relation à l’autre et ainsi faire reconnaitre sa singularité, son altérité, son propre jugement.

Sur le long terme, la reconnaissance permet de forger une identité individuelle et collective, de se souvenir et de contribuer à la mémoire et à la transmission de valeurs, de compétences, de convictions. La reconnaissance donne ainsi de la valeur et du crédit à une entreprise, à une personne, ainsi qu’à leurs actions.

La reconnaissance n’est-elle pas, en somme, le premier pas de toutes formes de liens et de connaissances intellectuelles, émotionnelles, spirituelles et manuelles ?

Autant de savoirs critiques et de liens singuliers entre les individus nécessaires pour une entreprise et son développement ainsi que pour la personne et son évolution professionnelle.

Marc Bouchet

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